Association pour le rayonnement des assistantes familiales de Seine Saint-Denis ARAF 93

Association pour le rayonnement des assistantes familiales de Seine Saint-Denis ARAF 93

Le 9 mars 2015 cette association a organisé une réunion très large avec des participants de l’éducation Nationale, des éducateurs de l’aide sociale à l’enfance (ASE), des assistants sociaux, des assistantes familiales, des psychologues, … sur un sujet d’actualité :

« ….Après les évènements de janvier, et la convocation d’un enfant de 8 ans au commissariat, nous avons eu cette réflexion : comment peut-on accompagner les enfants si on ne peut pas dire « mais » ? S’ils ne peuvent pas vraiment s’exprimer ? Nous étions vraiment très préoccupées…. »

L’ARAF 93 est une association d’assistantes familiales, elle organise des journées à thèmes très régulièrement souvent avec des experts externes (avocat, psychologues, administratifs sur les questions de payes…). Par ailleurs cette association est en lien avec l’ARAM-Ile-de-France (association d’assistantes maternelles adhérente à l’UFNAFAM)

La présidente de l’association Mervat CHABAN-SAAB rentre tout de suite dans le débat :

« Une minute de silence…qu’est ce que ça signifie pour un enfant ? Nous savons très bien que le silence, ce n’est pas quelque chose que les enfants apprécient. Rendre ce moment obligatoire, dire que les enfants peuvent s’émouvoir sur commande, comment peuvent-ils s’y retrouver ?

Nous, en tant qu’assistantes familiales, nous nous sommes dit, est-ce que ce n’est pas normal que les enfants refusent d’obéir ? qu’ils veuillent provoquer ? Cela fait partie de notre formation, nous avons toujours appris tout au long de notre parcours professionnel que les enfants à un moment donné ont besoin de confrontation et nous les avons accompagnés.

Très vite le débat est lancé : je suis membre de l’Education nationale, directrice de … au Blanc Mesnil … il y a eu cette demande de faire une minute de silence. Il nous était également demandé de dire aux élèves pourquoi il y avait cette minute de silence…. la majorité des élèves a été respectueuse et très choquée par les évènements. Seuls 7 élèves sur 750 ont refusé de faire la minute de silence… il n’y avait pas que des musulmans, mais aussi, comme diraient quelques uns « des petits français aux yeux bleus »

Puis une autre intervention : j’ai reçu cette nouvelle comme un poing dans la figure. Les Kouachi, les Coulibaly nous ne les connaissions pas. Charlie Hebdo oui. Cabus pour moi c’était Récré A2… j’ai senti que moi, assistante familiale de confession musulmane, j’étais sommée de m’excuser … Je rappelle simplement que le jeune Coulibaly et les frères Kouachi n’ont pas été élevés par une famille musulmane. Ils étaient à l’ASE, sous l’égide de la laïcité…..

L’intervention d’un invité, Alain GRESH (journaliste, directeur de publication) : « …… Je donne un premier exemple par rapport à ce qu’il se passe. Ma nièce est prof dans un collège très difficile à Montreuil. Elle a eu des réactions très dures, dont une de ses plus brillantes élèves qui lui a dit « Charb, tant mieux, il est mort, il a attaqué l’Islam, c’est bien fait pour lui ». Ma nièce n’a pas été au commissariat, elle n’a pas été la dénoncer, elle a été discuter avec elle. Elle lui a dit « tu sais, Charb avait une fille de ton âge, maintenant cette fille n’a plus de père. » Le lendemain son élève est revenue et lui a dit « tu avais raison, j’ai eu tort ».

ça montre l’importance du dialogue. Pour les minutes de silence…Quand le président Mitterrand est mort il y a eu une minute de silence. Et il y a eu plein d’incidents….

Quand Brejik assassine en Norvège 70 personnes, personne ne demande à un chrétien des comptes à rendre. Je pense que vous, de l’éducation Nationale, vous pouvez avoir un rôle pédagogique par rapport à vos élèves pour éviter que la contestation ne se transforme en adhésion à la violence. Parce que ce n’est pas sain et ce n’est pas juste. On peut tout à fait condamner ce qui s’est passé à Charlie et en même temps penser comme je le pense que Charlie est un journal islamophobe. C’est possible de dire les deux à la fois. Il n’y a pas à sentir de contradiction…. »

Un invité de l’Education Nationale est intervenu avec son expérience : Je m’occupe de projets sur la parentalité au sein des collèges et des lycées de la Seine Saint Denis. Je m’occupe d’actions envers les parents. …. L’idée est de rapprocher les parents les plus éloignés de l’école et d’avoir une présence au sein de l’école. Il y a de nouvelles lois depuis 2013 qui régissent la coéducation au sein de l’école …. Par rapport aux religions : les religions monothéistes sont dans les programmes de la 6ème et de la 5ème. La laïcité a sa place dans l’éducation civique. C’est un terrain très sensible, ….. La question est : comment en parler ? Je différencierai les écoliers des collégiens. J’avoue que je connais peu le métier d’assistante familiale mais j’en imagine les difficultés. Vous êtes au front comme nous, mais vous un peu plus. Il faut adapter sa réponse selon les âges, je ne pense pas qu’il y ait une consigne nationale qui puisse être engagée. Cela dépend de votre sensibilité, de l’enfant, de vos rapports avec sa famille.

D’autre part, je m’occupe d’ateliers de parents migrants où nous leur transmettons les codes de l’école… L’idée c’est d’avoir des actions avec des associations de quartier, de centres sociaux, des parents d’élèves qui souhaitent intervenir au sein des établissements scolaires..Les rapports devraient être plus égalitaires et l’école au sens large devrait être bien plus accueillante…

Une précision : je m’occupe des classes d’accueil dans le département. Nous sommes le premier département en nombre d’élèves de classes d’accueil. Il y a plus de 140 classes d’accueil en Seine St Denis et nous en ouvrons tous les ans. Effectivement il ya un paradoxe par rapport aux mamans qui accompagnent les élèves. Nous, dans nos ateliers nous acceptons les mamans voilées du moment que l’ovale du visage est dégagé. En tant que parents d’élèves et pas élèves, ce sont des adultes….. »

Les interventions dans la salle se poursuivent :

Psychologue : dans l’éducation nationale il y a quelque chose de très particulier : l’esprit des religions ne peut avoir de place dans l’éducation nationale, mais l’esprit de l’économie : oui ! La logique concurrentielle qu’on impose aux enfants, le tri permanent entre ceux méritants et ceux moins méritants, l’esprit de compétition, cet esprit là a une place qui ne pose aucun problème à l’Education Nationale. Il y a une question qui est : de quelle manière est fabriqué un enfant par les institutions étatiques ?

Un auditeur : l’Education Nationale c’est aussi des hommes, des femmes, qui font un travail difficile qu’il faut saluer ; mais c’est aussi une institution avec des règles, un pouvoir qui surplombe, et donc la traduction de ce que veulent les gouvernements successifs, de droite et de gauche. Ce qu’ils veulent tout simplement c’est avoir des citoyens bien dociles, des têtes blondes ou brunes, qui acceptent la misère, le chômage ? On les construit en leur apprenant des choses mais pas trop, car la réflexion il faut la garder pour les élites. L’élite peut réfléchir et réfléchit à la place du bon peuple. Celui-ci devra se contenter d’être bien sage. C’est peut-être abrupt et ce n’est peut-être pas le sujet de la réunion d’aujourd’hui mais cela me perturbe car je trouve cela scandaleux et inadmissible.

Une auditrice : « …. J’avais envie de venir aujourd’hui car ma mère est assistante familiale. Je suis donc associée à l’éducation des jeunes placés. …. La grande nouveauté aujourd’hui, c’est qu’on cherche les raisons de la crise non pas dans des causes économiques mais identitaires, ethniques. L’exemple type c’est cette journée là. Pourquoi ce n’est pas la DEF (Direction de l’Enfance et de la Famille) qui l’a organisée ? … ils ont été placés à l’ASE, c’est peut-être à l’ASE de se remettre en question. ….Pareil pour la DPAS (Direction de la Prévention et de l’Action Sociale) a-t-elle organisée des journées de réflexion pour faire en sorte d’aider les gens à ne pas basculer à cause d’un mal être social et d’être happé par des idéologues qui les feront aller vers des attentats suicide ? Ce travail n’est pas fait, il est venu de l’association ARAF. On a une vision ethnique de l’identité française. Dans l’esprit des gens, français égal blanc…

La réunion c’est poursuivie avec de nombreuses interventions sur les difficultés du travail d’assistante familiale, mais surtout le rendez vous est pris pour une prochaine journée à thème : l‘accueil spécifique, les difficultés, et les réponses au sujet du placement d’un(e) adolescent(e) ….le 8 juin 2015 à Bobigny….

Coordonnées de l’association : araf93@hotmail.fr

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